LES SIGNES DE L'ALCHIMIE COSMIQUE
C'est
autour d'un concept vitaliste que s'organise le discours de MIGUEL ANGEL
REYES.
Ses compositions à la facture complexe (collages de bois et de
métal sur des surfaces ensablées, dorées, colorées
aux pigments industriels) constituent la cartographie d'une vision intérieure
qui se projette sur la réalité planétaire.
Le concept architectonique de la cité (architecton) offre la métaphore
matérielle de la pensée : villes du passé, villes
du futur, cités perdues, cités musées ... Les villes
de Reyes évoquent des fouilles archéologiques, des destructions
massives, mais aussi le flux énergétique des métropoles
vivantes, la perfection idéologique de la Ziggurat "la cité
sacrée considérée comme le point de rencontre entre
ciel et terre".
En fait, les signes cartographiques de Reyes et leur mouvance chromatique
traduisent ce va et vient fondamental dans la conscience perceptive de
leur auteur, ce rapport dialectique fondamental entre la vie et la mort,
entre Eros et Thanatos. A partir de 1993 les forces de vie l'emportent
sur la mort, comme en témoignent les titres des œuvres récentes
: "la vie est-elle née là ?", "Noyau de vie
en formation", "Formation de l'idée matrice" ...
La surface de la matière est devenue plus dense, plus organique,
plus riche de substance vitale. Les signes retracent avec plus de précision
sémantique les origines et la présence d'une animation existentielle.
L'espace de la cité parfaite est celui du triomphe de la vie ;
La Ziggurat conduit à l'essentiel de l'énergie cosmique,
à la force de Vulcain où se crée l'Univers. Une fermentation
volcanique, un frémissement profond animent la matière et
offrent un terrain
fertile à la vibrante émanation de l'image : elle est en
proie à l'onde fervente du sacré, elle est en même
temps empreinte d'un hiératisme profond. Il s'agit là d'une
chose sérieuse qui traduit l'évolution et l'ascèse
de la vision.
La peinture urbaine de Reyes débouche sur le monde de l'être,
son questionnement, les origines de la vie. Le vocabulaire de l'artiste
traduit bien l'exigence spirituelle : la recherche de la pierre philosophale
est un chemin long et ardu qui n'exclut pas la rencontre du rêve
ou de la poésie causée par le chant d'un oiseau.
Nous sommes au point de rencontre entre le ciel et la terre, en ce lieu
ombilical où rien n'est plus monumentalement cosmique que la respiration
d'un nouveau-né.
Le cartographe de la cité devient ainsi peu à peu l'alchimiste
de l'apocatastase, du salut du monde, Reyes a dépassé l'exploration
du réel présent et de ses ruines qui sont tout autant l'œuvre
de l'usure du temps que le produit de la barbarie de l'homme, cet homme
que l'artiste entend aimer pour le meilleur et non pour le pire. L'option
de Reyes est résolument optimiste. Il est heureux d'être
père et d'avoir transmis la vie. Le fluide existentiel s'est propagé
dans l'œuvre et donne à la vision picturale une dimension
existentielle. Miguel Angel Reyes est un messager de l'espoir, et il crie
son message, envers et contre tout, dans un monde chaotique dont il pressent
la pulsion secrète de l'alchimie cosmique : il s'en fait le mainteneur,
le forgeron de la voie sacrée.
Pierre RESTANY Paris.